Que penser des produits à base de soja ?

Le soja (Glycine max.L.) est une légumineuse, originaire de la Chine et du Japon. Sa graine fait partie de l’alimentation traditionnelle en Asie. Ainsi, on la retrouve dans des écrits chinois datant de 3 000 avant J.C. Le lait de soja sert quant à lui à l’élaboration de nombreux autres produits : tofu, miso, sauce soja, substituts protéiques…

Au début de leur apparition en Europe, les produits dérivés ont surtout été plébiscités par les végétariens. Je me rappelle avoir lu avec effroi  il y a plus d’une dizaine d’années sur des forums,  le témoignage de personnes qui étaient passées des produits animaux (viandes, produits laitiers) au tout soja. Pourquoi avec effroi, j’y viendrai plus tard.

Je me rappelle également avoir, sur conseil de mon médecin d’alors, car mon taux de cholestérol avait été décelé trop élevé à l’adolescence, avoir consommé (ou plutôt tenté de consommer) des « yaourts » de soja. Et dans mon souvenir, cela reste associé à un goût cartonneux bien peu agréable (depuis, les fabricants ont réalisé beaucoup de travaux de R&D pour se départir de ce goût caractéristique, inhabituel pour les populations occidentales) 😉

Une source végétale de protéines intéressante

Pourquoi les produits de soja ont-ils été si largement adoptés par les végétariens et végétaliens ? en premier lieu car ils sont une bonne source de protéines végétales (la graine de soja étant la plus riche en protéines du monde  végétal, source ANSES). Le soja est d’ailleurs l’une des rares sources végétales contenant tous les acides aminés essentiels (i.e. que l’organisme n’est pas capable de synthétiser et qui doivent être apportés via l’alimentation). Les graines sont aussi riches en acides gras polyinsaturés (ceux que l’on cherche à favoriser), en minéraux, vitamines du groupe B, et exemptes de cholestérol.

Dès les années 80, de nombreuses études ont porté sur la démonstration de ses bénéfices santé. Selon certaines études asiatiques, le soja contribuait à diminuer l’incidence des maladies cardiovasculaires, de certains types de cancers, de l’ostéoporose, et des désagréments liés à la ménopause. La FDA (Food Drug Administration) américaine avait même approuvé une allégation santé, selon laquelle la consommation de soja pouvait réduire le risque de maladies cardiovasculaires. Elle est par la suite revenue sur sa décision, en proposant en novembre 2017 de révoquer cette allégation de santé,  car de nombreuses études publiées depuis l’autorisation en 1999 ont présenté des conclusions contradictoires sur la relation entre les protéines de soja et les maladies cardiaques.

Catherine Petitdidier Naturopathe Puteaux soja 3

Les Etats-Unis premier pays producteur

La production mondiale de soja s’est élevée à 330 millions de tonnes environ en 2018. Les Etats-Unis sont le 1er pays producteur et exportateur mondial, suivis de près par le Brésil et l’Argentine, qui représentent aujourd’hui à eux deux la moitié de la production mondiale.  La culture de soja représente ainsi plus de 1 million de kilomètres carrés dans le monde, soit une surface équivalente à deux fois celle de la France. Cette culture est l’une des principales causes de déforestation en Amazonie. Quant à savoir si l’on doit plutôt blâmer les carnivores (une part du soja étant destiné à l’alimentation animale et l’élevage du bétail) ou les végétariens 😉 il est de toute façon un peu biaisé de vouloir distinguer la part du soja destiné à l’alimentation animale versus humaine, car la graine tout au long de son processus de transformation, nourrit les deux filières. Lire cet article intéressant à ce sujet .

Néanmoins, cette forte augmentation de la production a largement profité aux variétés OGM (70% de la production mondiale serait actuellement du soja transgénique). A  noter que la réglementation européenne en agriculture biologique interdit formellement l’utilisation des OGM (reste à savoir si l’approvisionnement en filières non OGM est aisé ou non, compte-tenu de la prévalence du soja OGM dans la production mondiale et se pose la question de la traçabilité).

Une vaste gamme de produits dérivés

Le lait de soja s’est beaucoup développé en Occident ces 15 dernières années (même si les boissons végétales (toutes confondues) ne représentent encore que 7,5% du marché du lait (en valeur, données 2017)).

Son procédé d’obtention à l’échelle industrielle comporte un nettoyage puis dépelliculage des graines, avant broyage dans l’eau chaude. Par centrifugation, on récupère d’un côté le lait de soja, et de l’autre côté l’okara (une phase pâteuse), qui reste surtout valorisé en alimentation animale. La graine est aussi une source d’huile brute, extraite par broyage, dont sera ensuite extraite la lécithine. Les pétales de soja délipidés, sous-produits de la fabrication d’huile, seront quant à eux utilisés pour produire d’autres ingrédients, comme les isolats protéiques (cf ci-dessous).

Parmi les produits de grande consommation dérivés de soja :

  • Le « lait » de soja (ou devrait-on dire jus de soja), obtenu par trempage des graines de soja séchées moulues, ébullition puis égouttage.
  • Le tofu, obtenu par coagulation du lait de soja, via l’ajout d’un agent coagulant (sel ou acide), puis pressage. Selon l’intensité du pressage, la texture variera : de très souple (comme le tofu soyeux, qui peut être utilisé dans les soupes, sauces, ou gâteaux), à plus ferme (il peut alors être nature, fumé, mariné, aromatisé, etc.)
  • Le tempeh, obtenu à partir de graines de soja fermentées (par un champignon Rhizopus oligosporus). De fait, il présente des notes aromatiques de champignon, noix et levure.
  • Le miso, pâte fermentée obtenue à partir de soja et d’une autre céréale (riz ou orge). Son procédé de préparation est plus complexe.
  • Les « yaourts » de soja : pourquoi entre guillemets ? car si l’on veut être précis, la dénomination « yaourt » ou « yoghourt » est réservée au lait fermenté ensemencé des seules bactéries lactiques Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus. La plupart des desserts végétaux ne sont donc pas des yaourts 😉  Ils sont à base de jus de soja, acidifiant, et potentiellement d’autres ingrédients comme du sucre, des fruits, des ferments… (A lire cet article sur les acidifiants utilisés dans ces produits). 
  • La sauce de soja, obtenue par fermentation de graines de soja, de blé, d’eau et de sel, en utilisant un champignon : Aspergillus oryzae. A noter que pour les intolérants au gluten, le tamari, qui y ressemble fort, ne contient pas de gluten.

Catherine Petitdidier Naturopathe Puteaux Soja 2

Côté industriel, on trouve :

  • La lécithine, utilisée largement dans l’agroalimentaire pour ses propriétés émulsifiantes (à noter cependant que toutes les lécithines ne sont pas de soja).
  • Les protéines de soja texturées, obtenues par une technologie de texturation à la vapeur (et non d’extrusion, procédé que l’on utilise pour les céréales ou snacks apéritifs par exemple), ce qui génère des morceaux expansés et gonflés, de goût neutre. Elles sont utilisées pour le développement de produits censés se substituer à la viande (elles en reproduisent un peu la texture), mais aussi… pour « couper » un peu la viande dans certains produits carnés comme des boulettes de viande, burgers, nuggets, etc. (et oui). Cela vous semble peu attrayant ? Ayez conscience que ce n’est pas parce qu’un produit est végétarien / végétalien qu’il est sain/bon pour la santé. Dès lors que l’on dérive vers des produits ultra-transformés, on retrouve des biais comparables. Que l’on soit sur des aliments végétariens ou non, bio ou non. Elles sont aussi commercialisées en B2C. Si vous fréquentez les magasins bio, vous les aurez peut-être remarquées  au rayon vrac. Cela ressemble à des … sortes de pop-corn jaunâtres (j’avoue que leur utilisation ne m’a jamais tentée !).
  • les isolats protéiques de soja, qui pourront être utilisés dans les boissons pour sportifs, certains produits diététiques ou même l’alimentation infantile.

Quid des isoflavones de soja ?

Et j’en viens au sujet qui provoquait mon effroi au début de cet article : le soja contient des phyto-oestrogènes (génistéine et daidzéine notamment), autrement dit des oestrogènes végétaux, qui vont avoir dans une certaine mesure une action comparable à nos propres oestrogènes.  Et c’est là que le bât blesse, avec des questionnements quant aux effets potentiels de leur consommation sur certains cancers, les organes reproducteurs, la thyroïde… Certains considèrent que ces phyto-oestrogènes ont un effet protecteur (contre le cancer du sein notamment). Ces spéculations se basent sur le fait que ces cancers sont moins fréquents en Asie qu’en Occident. Alors que d’autres au contraire avancent qu’ils seraient un facteur favorisant. Je dois avouer que bien qu’ayant réalisé mon mémoire de naturopathie sur l’accompagnement des personnes sous traitement anti-cancéreux, et m’étant penchée sur la question, je n’ai toujours pas un avis très tranché. Même si aujourd’hui les études allant dans le sens d’un effet protecteur sont de plus en plus nombreuses. Mais mon côté prudent ne me permet pas d’ignorer les études ayant mis en évidence un effet favorisant la prolifération des cellules cancéreuses. Vous connaissez l’adage ? « dans le doute abstiens-toi ». Je dirais donc que chez une personne ayant des antécédents de cancer hormono-dépendant, ou même des prédispositions familiales, il vaut mieux d’abstenir de consommer en trop grande quantité des produits dérivés de soja (la consommation de compléments alimentaires à base de soja, plus concentrés en isoflavones que les produits alimentaires, est par exemple déconseillée par la fondation belge contre le cancer). Et en ce qui me concerne, je déconseille également en consultation une consommation trop importante aux jeunes femmes atteintes d’endométriose par exemple, chez les  hommes (d’autant plus si déjà des problèmes de fertilité), les enfants….


Pour aller plus loin

Les phyto-oestrogènes, notamment de soja, auraient un effet environ 10 000 fois moins puissant que les hormones ovariennes. Ainsi, selon Dumas et Ménat[1],  lorsqu’ils sont administrés à une femme produisant elle-même beaucoup d’oestrogènes, les phyto-oestrogènes vont aller se fixer sur les récepteurs cellulaires des oestrogènes et entrent en compétition avec les hormones ovariennes. Leur effet sur les organes hormono-dépendants sera moindre comparés à ces dernières (inhibition par compétition). En revanche, après la ménopause, la femme ne secrète plus ou peu d’hormones naturelles. Les phyto-oestrogènes vont donc augmenter l’effet hormonal, mais plus faiblement que ne l’auraient fait des hormones naturelles. Selon certaines études, les femmes consommant du soja avant la ménopause auraient un risque diminué de cancer du sein. Cependant, elles ne permettent pas de trancher sur ce point après la ménopause. C’est pourquoi la prudence est de mise, et on déconseille le soja chez des personnes ayant déjà eu un cancer du sein hormono-dépendant.


 

Quelle est la conclusion à tout ceci ? Là encore, tout est une question de mesure. Consommer de temps à autre des produits dérivés de soja, pourquoi pas. Mais si vous consommez du lait de soja le matin, du tofu le midi, un ou deux « yaourts » de soja par jour, et un produit végétarien à base de soja le soir, il ne serait peut-être pas inutile de revoir votre consommation à la baisse ? 😉

 

[1] Eric MENAT, Alain DUMAS, Cancer, être acteur de son traitement, Editions Leduc, 2016.

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