Le terme d’aromathérapie a été inventé au début du siècle dernier par René-Maurice Gatefossé, créateur de parfums et de senteurs. Avant lui, son père avait fondé la société Gatefossé, bien connue dans le monde de la cosmétique et de la parfumerie (la société, qui resta longtemps familiale avant de prendre une toute autre envergure – le groupe est aujourd’hui présent dans 60 pays à travers le monde – est spécialisée dans le développement, la fabrication et la commercialisation d’ingrédients cosmétiques).
Par aromathérapie, on entend l’usage des huiles essentielles dans un but préventif, curatif ou de mieux-être. Si on pense parfois avant tout aux huiles essentielles pour leur côté olfactif et sensoriel et les bénéfices psycho-émotionnels qu’elles peuvent apporter, elles sont des outils puissants qui peuvent aussi avoir un but thérapeutique (préventif ou curatif). Je ne reviendrai pas sur leur principe d’obtention.
L’aromathérapie peut être utilisée à titre personnel, mais elle a aussi fait petit à petit son apparition dans le milieu hospitalier. Et notamment dans les services d’oncologie (réalisant mon mémoire de naturopathie sur l’accompagnement naturopathique des traitements anti-cancéreux, j’ai eu l’occasion d’interroger divers professionnels dans ce domaine. Je partage aujourd’hui avec vous le travail formidable que font certaines équipes en la matière).
En oncologie, la porte d’entrée a souvent été en premier lieu la lutte contre les odeurs désagréables. C’est le cas de l’hôpital de Colmar, où travaille Catherine Maranzana, Infirmière et coordinatrice/référente en aromathérapie aux Hôpitaux Civils de Colmar, qui a réussi à introduire l’aromathérapie en service d’onco-hématologie dès 2009. « Initialement, nous avons cherché à remplacer le papier d’arménie, que nous utilisions pour désodoriser les parties communes. Nous nous sommes tournés vers l’usage des huiles essentielles, mais initialement uniquement pour le personnel soignant. Nous avons vite eu des retours positifs de la part des patients, les odeurs s’étant répandues jusque dans les chambres. Nous avons alors voulu étendre leur utilisation. Après m’être formée de façon plus pointue à l’aromathérapie, nous avons réfléchi aux problématiques récurrentes qui étaient rencontrées, et dans quelle mesure l’aromathérapie pourrait être un soutien ». C’est ainsi que l’usage a été étendu à la prévention des nausées, à la gestion des troubles psycho-émotionnels, ou des troubles du sommeil, le tout avec l’accord du médecin chef et du service d’hygiène.
Les huiles essentielles suivent le même circuit de validation que les médicaments (validation sur la base des bulletins d’analyses). Au départ, l’usage a été relativement simple : olfaction sur un mouchoir, ou sur un peu de ouate dans un pot à prélèvement, avant l’usage plus tard de sticks d’olfaction et de l’application cutanée. « A une période nous avons utilisé la diffusion, mais nous nous sommes vite aperçus que ce n’était pas adapté » ajoute-t-elle. Le personnel soignant a vite constaté une diminution de la consommation des anti-émétiques (i.e. contre les vomissements), et de certains anxiolytiques. « Les huiles essentielles sont toujours utilisées en mélange, par 2 ou par 3, surtout en cancérologie, afin d’éviter le marquage olfactif (i.e. le patient associe ensuite une odeur à une émotion ou un moment de sa vie) ». (Je ne rentrerai volontairement pas dans le détail des huiles essentielles conseillées, l’usage devant se faire en collaboration avec du personnel formé).
« Nous obtenons un taux de satisfaction de 80% chez les patients. Une partie du personnel est aussi formée au toucher détente, avec un massage avec des huiles aromatiques. Les patients adorent car c’est aussi un moment où l’on prend soin d’eux et l’approche est personnalisée. D’un effet surtout bien-être au départ, nous y voyons aujourd’hui un réel effet thérapeutique. Bien entendu, toutes les précautions sont prises pour limiter les risques toxiques (avec la menthe poivrée par exemple, qui peut être neurotoxique, ou avec d’autres huiles essentielles hépato-toxiques). Le fait que l’approche soit validée par le corps médical rassure aussi le patient ».
Pour preuve de l’intérêt de cette pratique, tant du côté patients que personnel soignant, ce sont aujourd’hui près de 18 000 soins en aromathérapie qui sont donnés par an, la pratique s’étant étendue à 49 unités au sein de l’hôpital. Ce dernier a même reçu en 2013 le prix Gatefossé, qui récompense une équipe médicale et un établissement français pour son approche scientifique et clinique de l’utilisation des huiles essentielles.
Une démarche comparable a été suivie à l’hôpital de Grasse, via les interventions d’Isabelle Sogno-Lalloz, aromathérapeute, qui était intervenue au colloque Phytarom de Grasse 2017 sur le thème de la phytothérapie et de l’aromathérapie en milieu médical et hospitalier.
Les huiles essentielles y sont utilisées en diffusion : pour désodoriser, désinfecter l’air, ou créer une ambiance. Avec la contrainte que la diffusion plaise à tout le monde. Les huiles essentielles doivent aussi être adaptées à la diffusion et la saturation de l’air doit être contrôlée régulièrement, surtout si les fenêtres ne peuvent être ouvertes. En diffusion pas d’huiles essentielles à cétones (neurotoxiques), à phénols (irritantes) ou agressives, comme l’Eucalyptus globulus. Comme C. Maranzana, I.Sogno-Lalloz souligne qu’il est important de renouveler au moins chaque année les mélanges utilisés, et de ne jamais utiliser une huile essentielle seule mais toujours en mélange, de façon à éviter le conditionnement olfactif négatif (greffe des émotions négatives sur une odeur).
En olfaction en revanche, l’utilisation sera personnalisable. « On redonne aussi le contrôle à la personne (choix du mélange et temps d’exposition) ». Le coût est également moindre pour la structure hospitalière (quantités nécessaires 10 à 15 fois moindres par rapport à la diffusion). Il est donc possible d’utiliser des huiles essentielles plus nobles. « On retrouve au final beaucoup d’huiles essentielles d’agrumes. Elles sont très appréciées, et contiennent également des terpènes ce qui leur confère un léger pouvoir désinfectant ». Certaines huiles essentielles très « émotionnelles » comme l’Ylang ylang par exemple, ne seront pas utilisées en diffusion.
Au-delà de l’olfaction, certaines huiles essentielles peuvent être utilisées en topique, notamment dans les troubles veineux associés aux traitements de chimiothérapie.
En radiothérapie, la lavande aspic peut être utilisée pour ses propriétés cicatrisantes et analgésiques. Le niaouli a lui des propriétés radio-protectrices (en revanche, attention s’abstenir en cas de cancer hormono-dépendant, car on lui attribue des effets hormon-like). Elles sont dans ce cas utilisées après chaque séance de radiothérapie (et non avant), pures ou diluées dans une huile neutre.
A l’hôpital de Colmar, d’autres approches que l’aromathérapie ont depuis fait leur apparition : réflexologie, sophrologie, art thérapie, relaxation, socio-esthétique, méditation de pleine conscience… « 60% des patients suivis en cancérologie vont à un moment ou un autre se tourner vers une approche complémentaire, et ce nombre est sans doute sous-estimé » conclut C.Maranzana.
La bonne nouvelle, c’est que petit à petit les choses changent, l’allopathie s’ouvre à d’autres approches, certes lentement et de façon très sélective, mais dans l’intérêt du patient.
A lire ou relire cet article sur les précautions d’usage des huiles essentielles.
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