Régimes alimentaires : végétarien, végétalien, crudivore…

… fruitarien, régime paléo, régime sans gluten, sans lactose, autant d’habitudes alimentaires adoptées par un nombre toujours croissant de personnes.


Début Novembre, l’Express publiait un dossier dédié de 9 pages intitulé « Sans gluten, viande, lait, alcool… Engueulades à table (et casse-tête en cuisine) ». De là à dire qu’il s’agit d’excentricités ou pire, de caprices, il n’y a qu’un pas.

Ce qui peut interpeller, c’est que lorsque l’éviction se faisait par goût (« je n’aime pas l’andouillette/les choux bruxelles »), personne n’y trouvait à redire (dans le pire des cas, on vous targuait d’un « mais c’est bon pourtant ! »). Alors qu’aujourd’hui ces préférences alimentaires (dans certains cas nécessité, comme par exemple l’éviction du gluten indispensable chez les personnes atteintes de maladie coeliaque cf cet article expliquant les différences entre maladie coeliaque, allergie au gluten et hypersensibilité) déchaînent les passions (mais pourquoi tant de haine ?). Dans le meilleur des cas, cela suscitera de la curiosité, pour aller à l’extrême vers de l’agressivité. En tous les cas, cela ne laisse -souvent – pas indifférent.

D’ailleurs peut-on réellement parler de régime ? si régime est souvent synonyme de restriction calorique ou quantitative, il s’agit ici de restriction qualitative (éviction de certains aliments ou modes de consommation). Il s’agit donc bien à proprement parler de régime, même si habitudes alimentaires me parle plus.

Alors on fait le point sur ces différents régimes ou choix alimentaires, et parlons des inconvénients potentiellement liés à certains d’entre eux.

Végétarien

Le végétarien exclut les produits animaux (viande, poisson) mais consomme néanmoins des œufs et des produits laitiers. Certains considèrent des sous-catégories :

  • Les lacto-végétariens (consommation de produits laitiers mais pas d’œufs)
  • Les ovo-végétariens (consommation d’œufs mais pas de produits laitiers)

On y inclut parfois les fruitariens, mais j’y reviendrai plus tard.

Selon un sondage réalisé en 2016 par OpinionWay pour la revue Terra Eco, il y aurait 3% de végétariens en France. Les grandes villes sont sans doute un microcosme où cette tendance est plus présente. C’est un régime alimentaire qui ne comporte pas davantage de risques de carence qu’un régime omnivore… s’il est suffisamment diversifié ! (ce qui souvent n’est pas le cas lorsque les personnes décident tout simplement d’arrêter certains aliments sans revoir leur assiette par ailleurs).

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Végétalien

On utilise à outrance le terme vegan (je ne sais pas pourquoi, mais je n’aime pas ce mot). Le terme vegan représente davantage un style de vie et englobe bien d’autres aspects que l’alimentation : non consommation de cuir, ou tout autre produit issu de l’exploitation des animaux (fourrure, laine, soie, miel…, non utilisation de produits cosmétiques qui auraient été testés sur des animaux (bien qu’en théorie, la vente de cosmétiques testés sur animaux est interdite en Europe), etc.) Nos amis québécois parleraient semble-t-il de « végétalisme intégral » 😉 On compterait 0,5% de foyers vegan en France. Mais je m’égare.
Les végétaliens donc : on est ici un cran au-dessus du végétarisme, puisque tout produit d’origine animale est exclu (y compris les oeufs, les produits laitiers, le miel, etc). S’il est encore assez facile d’avoir un régime équilibré en étant végétarien, cela devient un travail d’orfèvre chez les végétaliens.
Le risque majeur : le végétalisme sans supplémentation en vitamine B12 (cobalamine) mène quasi systématiquement à terme à une carence, dont les conséquences peuvent être graves (la vitamine B12 est présente exclusivement dans les produits animaux : viande, poisson, lait..). La carence peut mettre plusieurs années à s’installer, le corps possédant une réserve de vitamine B12, mais peut aussi parfois survenir au bout de quelques mois à peine. Tout dépend de votre stock. Une supplémentation, au travers de compléments alimentaires ou  d’aliments enrichis est donc requise. Les AJR (Apports journaliers recommandés) sont de 2,5µg par jour. Cependant, selon l’association végétarienne de France, il serait nécessaire d’apporter 4 fois plus (10 µg/jour) pour que l’assimilation soit suffisante. Ailleurs les recommandations sont très variables (et fantaisistes ?) allant jusqu’à 2000 µg/jour. La cyanocobalamine, forme synthétique de B12 la plus stable, est utilisée dans la plupart des suppléments. Cependant, il s’agit d’une forme inactive (pro-vitamine B12) qui doit être transformée par l’organisme pour devenir active. Les formes actives sont les méthylcobalamine et adénosylcobalamine, mais celles-ci sont instables à l’air libre.
L’association végétarienne de France attire  également l’attention sur le fait que la spiruline, la chlorelle ou les algues nori ne peuvent constituer une source de B12, bien qu’elles soient souvent présentées comme telles. La spiruline ou le nori ne fonctionneraient pas comme sources de B12 chez l’Homme et contiendraient également des analogues pouvant gêner l’absorption ou le métabolisme de la B12. On trouve cependant un certain nombre de publications scientifiques indiquant la présence de methylcobalamine dans la spiruline ou la chlorelle. Donc dans le doute… prudence !

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Crudivore

Le principe : ne consommer que – ou presque – des aliments n’ayant subi aucune transformation (exceptées la germination ou la fermentation), crus ou cuits à basse température (moins de 42°C). Les crudivores sont aussi souvent végétariens voire végétaliens, mais on pourrait concevoir la consommation de viande ou poisson cru. L’objectif étant de préserver les vertus nutritionnelles des aliments, et notamment les enzymes naturellement présentes dans les fruits, légumes ou produits germés, qui sont dégradées par la cuisson (lire aussi cet article idées reçues). Certains l’appellent aussi « alimentation vivante ». La théorie est que ces enzymes exogènes faciliteraient la digestion et limiteraient le travail des organes digestifs, contribuant à gagner en énergie (théorie de Edward Howell). C’est le discours que nous avons reçu en cursus de naturopathie. On peut s’interroger sur cette allégation sachant que les enzymes sont des protéines, qu’elles sont sensibles au pH et qu’elles vont être inactivées pour la plupart dans l’estomac à pH acide. Reste l’hypothèse d’une action dans le laps de temps avant leur inactivation.
Les fruits et légumes tiennent une place prépondérante. Comme les céréales (blé, riz, etc.) et légumineuses nécessitent généralement une cuisson, ce régime exclut le plus souvent leur consommation. Certaines peuvent néanmoins être consommées germées (lentilles germées par exemple), mais de fait, l’apport en protéines (pas de produit animal, ni de légumineuses) sera plus limité. Si le crudivore est aussi végétalien, attention à la carence en vitamine B12 évoquée précédemment. Certains sites (potentiellement détracteurs) évoquent une perte de poids importante et aménorrhée et/ou troubles de la fertilité chez les femmes.
Cependant, crudivorisme ne veut pas dire uniquement alimentation brute (certains se sont par exemple spécialisés dans la … « crusine »). On trouve même des restaurants autour de ce concept.
Si le crudivorisme peut sembler tentant pour certains, au-delà des carences potentielles, ce mode alimentaire est loin de convenir à tout le monde. Selon votre microbiote, selon l’état de la muqueuse intestinale, selon  la constitution, les désagréments peuvent apparaître rapidement : troubles du transit, ballonnements importants, gaz, douleurs abdominales… La cuisson attendrit les fibres et les rend moins irritantes pour la muqueuse intestinale. Elle améliore aussi parfois la biodisponibilité de certains nutriments (cas du lycopène par exemple).
Ce régime sera d’autant plus difficile à suivre en hiver où l’on ressent le besoin d’aliments plus réchauffants (féculents, légumineuses), ou tout simplement de manger chaud.

Fruitarien

Je ne m’étendrai pas sur ce régime qui me parait plus fantaisiste et déséquilibré (pour moi, à part certains singes, certains oiseaux et chauve-souris, point de frugivores 😉  ) Puisqu’il s’agit ici de consommer exclusivement des fruits (+ éventuellement quelques noix et graines). Ce régime peut rapidement générer des carences. Je m’interroge également de l’effet sur le foie de cet apport massif de fructose (le foie gras (stéatose) n’est pas loin). Cf cet article que j’avais écrit sur le sirop d’agave riche en fructose.

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Régime paléo

Là non plus je ne m’étendrai pas beaucoup. Selon S. Boyd Eaton, anthropologue médical américain, l’alimentation idéale pour être en forme et en santé serait celle… de nos ancêtres du Paléolithique, arguant que nos gènes sont restés très proches des leurs (et donc que notre organisme est fait pour digérer comme eux). Fantaisiste ou pas, je vous laisse vous faire votre opinion. Le régime Paléo exclut céréales, légumes secs, laitages, sucre, sel… car ces aliments sont apparus en même temps que la culture et l’élevage. En pratique, cela consiste donc en des végétaux non transformés, peu voire pas de céréales et de légumes secs, beaucoup de protéines (viande, poisson), pas de produits laitiers.

Instinctothérapie

Il s’agit d’un courant lancé par Guy-Claude Burger ( !) dans les années 60, reposant sur le fait de faire confiance à son instinct alimentaire, en choisissant ses aliments sur la base de notre odorat, du goût en bouche, etc..  Le goût est l’odorat étant là pour déterminer si l’aliment est bon pour soi ou nuisible. Je vous vois venir, on ne parle pas de ne consommer que du chocolat et des pizzas. Car il s’agit ici de consommer essentiellement des aliments bruts (crus, non assaisonnés), tels que l’on pourrait les trouver à leur état naturel. Produits laitiers et certaines céréales sont exclus, considérés comme étant apparus trop récemment dans notre alimentation. L’instinctothérapie est parfois assimilée au crudivorisme mais de ce que je comprends, ce n’est pas adapté puisqu’il n’y a ici aucune transformation. Là encore le risque de carences est important, notamment en protéines, certains minéraux et certaines vitamines du groupe B. Bon, le monsieur a tout de même été condamné pour exercice illégal de la médecine.

Sans gluten

Cela pourrait être considéré comme le label à la mode :  « sans gluten » « no Glu » « gluten free ». Les industriels ont bien senti le filon (allez faire un tour en supermarché au rayon diététique). Ici encore, il faut distinguer l’intolérance au gluten « vraie » (maladie coeliaque), l’allergie au gluten, et l’hypersensibilité au gluten (lire ici). Seules les deux premières catégories nécessitent une éviction totale du gluten. Pas de risque de carence particulier si l’alimentation est suffisamment diversifiée par ailleurs. Attention toutefois aux produits sans gluten industriels, j’en parlais ici,  et attention à l’indice glycémique des aliments, même maison, les farines sans gluten ayant des IG plus élevés que la farine de blé et autres céréales à gluten. Je ne développerai pas davantage, les deux autres articles que j’avais écrit sont plutôt complets.

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Sans lactose

(N’est-il pas trop mignon ce petit veau ???) Je pense que comme pour le gluten, il y a souvent un amalgame entre l’intolérance au lactose, et l’allergie aux protéines de lait.
Si l’intolérance au lactose (liée à un déficit en lactase, l’enzyme qui permet la digestion du lactose), est gênante (elle se traduit par des troubles digestifs source d’inconfort), elle n’est pas grave en soi. Si la quantité de lactase produite est insuffisante, le lactose parvient non digéré dans l’intestin où il va être fermenté par les bactéries présentes. Il y a production de gaz et de certains composés qui vont in fine entraîner des ballonnements et des douleurs, ainsi que des diarrhées (parfois également nausées et vomissements).
En France, 30 à 50 % des adultes présenteraient une digestion incomplète du lactose. Cette intolérance est rare chez le nourrisson. A l’arrêt de la consommation de lait, la quantité de lactase produite diminue. C’est pourquoi un adulte aura plus de difficultés à digérer le lait s’il n’a pas eu une consommation continue depuis l’enfance.
Beaucoup pensent qu’avec une intolérance au lactose, il faut supprimer tous les produits laitiers, il n’en est rien. Concernant les fromages par exemple, et notamment les fromages affinés plus de 6 semaines (certains fromages à pâte molle ou semi-dure, ou les fromages à pâte dure), la quantité de lactose présent est négligeable. Une partie du lactose a été éliminée au cours du procédé de fabrication dans le lactosérum, et le reste a été consommé et transformé par les bactéries du produit).
Concernant les yaourts (je ne parle pas des desserts laitiers potentiellement enrichis en lait), ils sont souvent mieux tolérés que le lait car leur teneur en lactose est inférieure (une partie du lactose ayant été transformée en acide lactique par les bactéries lactique).
Quid du beurre ? J’ai déjà entendu certaines personnes dire « ce produit est sans lactose : il est sans beurre ». Certes, factuellement c’est vrai. Mais le beurre ne contient que 0,6 à 0,7 g/100 g (soit une teneur très faible). Donc concrètement peu gênant pour une personne intolérante au lactose.
L’intolérance au lactose doit en revanche être distinguée de l’allergie aux protéines de lait, qui est quant à elle bien plus rare et plus grave (mécanismes allergiques en jeu, pouvant aller jusqu’à l’oedème de Quincke ou le choc anaphylactique dans les cas les plus sévères). Dans les cas les moins sévères, elle peut provoquer des troubles digestifs (douleurs abdominales, vomissements, diarrhée), mais aussi respiratoires (congestion nasale, toux, éternuements), et/ou dermatologiques (urticaire, eczéma). Dans ce cas l’éviction de tous les produits laitiers est nécessaire.

Flexitarien

Et les flexitariens dans tout ça ? et bien ils sont… flexibles comme leur nom l’indique ! Je dirais que c’est un peu la version light de l’omnivore : « de tout un peu ». S’il faut se mettre dans une case (vous avez remarqué combien on aime mettre les gens dans des cases ?), je rentre dans cette catégorie. Je mange de la viande, essentiellement viande blanche, rarement viande rouge, mais peu. Je peux facilement rester 2 semaines, parfois 3 ou davantage sans manger de viande. Dans ce cas, j’essaie de privilégier de la viande de qualité achetée chez mon boucher.
Je mange des produits laitiers, même si beaucoup moins que par le passé, tout simplement par goût. Dur de se sevrer du fromage pour quelqu’un qui a grandi dans une famille où il était au menu midi et soir. J’ai aussi été une grosse consommatrice de yaourts et fromage blanc (je pouvais en manger deux à trois.. par jour. Oui, oui).
Je mange du gluten (le moins possible car mon intestin, sans être intolérante coeliaque, le supporte mal. Il faudra un jour que je vous parle des effets surprenants que j’ai constaté avec la consommation de gluten). Cette éviction-là, je la vis comme une contrainte. Tout simplement car j’adore le pain (et n’aime pas du tout ni le goût ni la texture des pains à base de farines sans gluten). De même, pour les biscuits et autres, la texture liée au blé ou autre céréale à gluten me manque ! Mais je paie cher les écarts.
Je mange cuit, cru, des fruits (mais pas trop), des légumes, des céréales, des légumineuses.. Bref, une alimentation variée.

En conclusion, je dirais juste que tous les goûts sont dans la nature. Certains modes alimentaires sont suivis par choix, parfois par obligation, mais cela appartient à chacun. Le seul pré-requis étant que cela ne se fasse pas au détriment de sa santé 🙂

 

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